RUBRIQUE ANECDOTE
POMPIERS
STAND-BY DURANT EPREUVE RCI (par Ingmar Sioen)
C’est
dans des moments inattendus que se cachent souvent les malheurs et les petits bonheurs Une règle qui s'applique
aussi aux gens qui passent la moitié de leur vie sur des terrains de dressage.
Un
tel moment m'attendait, le jour où je voulais passer avec "Seiko van
Sapho's hoeve" le RCI 1 sur le terrain du Canis Club Hooglede.. C'était
une journée magnifique : ni trop chaude, ni trop froide, un temps sec, un bon
terrain et l'organisation de l'épreuve était dans les mains d'un club réputé
pour son hospitalité. Je me sentais bien. En plus, cette fois-ci, je présentais
un boxer à nous. Pas le premier venu d'ailleurs. Ceux qui connaissent Seiko
savent que ce n'est pas un chien facile. Il peut être doux et obéissant bien
sûr, mais il est extrêmement têtu et dur, en plus, il possède une volonté
d'acier.
Pour
une éducation RCI , cela peut avoir des avantages mais il y a certainement des
aspects négatifs. D'un côté on a vécu l'expérience où Seiko grimpait dans un
saule pour chercher l'homme d'attaque qui s'était placé là. D'un autre côté
j'ai senti la force de ses mâchoires lors d'un exercice simple dans lequel je
le commandais, avec un peu trop d'insistance pour le coucher libre, sur un
terrain mouillé. Utilisant un euphémisme : son éducation fut un challenge. Mais
durant ces mois nous avons appris pas mal de choses : aussi bien Seiko que moi.
Maintenant, le moment était venu de le prouver.
Les
terrains de pistage se trouvaient le long d'un chemin avec pas mal de trafic.
En soi, cela ne peut pas distraire un chien bien dressé : le problème n'était
pas là. Au tirage au sort, Seiko avait reçu le numéro un, Il devait donc, en
tant que Boxer parmi des bergers, commencer comme en premier le pistage. Ce qui
inspira le juge, qui n’était visiblement pas convaincu des possibilités de
notre race, à m’encourager par sympathie. Seiko , qui après son exploit dans le
saule n'a pas su se débarrasser de son surnom "Psycho", travailla sa
piste impassiblement : lent, solide et correct. Les points était fort haut : je
voyais que le juge regardait mon compagnon d'un air étonné.
En
rentrant du pistage, je m’aperçu que le trafic était devenu plus dense. Pas mal
de voitures freinaient pour mieux voir ce qui se passait sur le champ d’à côté.
Normal : ce n'est pas tous le jours que l'on voit des hommes avec leurs chiens
parcourir les champs autrement déserts. Toutefois la situation ne me plaisait
pas. Un trafic assez dense, des chauffeurs curieux, nos voitures avec les
chiens des deux cotés du chemin, des conducteurs et des spectateurs qui se
promenaient entre les voitures. Mais bon : j'étais content du travail que Seiko
avait montré et je voulais retourner au plus vite afin de voir les autres
chiens travailler.
Nous
étions un petit groupe assez près du chemin, tandis que les autres conducteurs
et leur chiens se trouvaient plus loin sur le terrain pour chercher le départ
de leurs pistes. Il y régnait l'atmosphère nerveuse et tendue dans laquelle
tout le monde attend le résultat de la première épreuve et essaie de se calmer
les nerfs en parlant d'un ton bas. Le terrain était quand-même plus difficile
que l'on avait pensé : le travail des chiens était fort inégal ce qui se fit
ressentir dans les points. Dans un de
ces temps morts, où un berger belge cherchait un angle, très loin sur le
terrain, nous étions tournés vers nos voitures dans lesquelles plusieurs chiens
aboyaient l'un contre l'autre. C'est alors que les événements se succédèrent
très vite.
La
totalité de la séquence ne peut avoir dépasser dix secondes. L'action même
pourtant semblait se dérouler au ralenti. Nous voyons une Mercedes qui
s’approche assez vite de nous. Le chauffeur regarde ce qui se passe sur le
champs à côté. En même temps nous voyons que la voiture qui le précède a
fortement ralenti… Je me souviens d’aucun bruit à ce moment, uniquement cet
image glissante. Au moment où la Mercedes s'approche de l'autre voiture, le
chauffeur remarque ce qui se passe. Il freine de toute ses forces et tourne
brusquement le volant pour éviter la collision. Sa voiture passe devant nous, glissant en direction de
nos voitures avec les remorques où sont installés nos chiens. Ma bouche
s’assécha et dans un court laps de temps je
réalise que ma voiture avec Seiko dedans, se trouve de l'autre coté du
chemin. De quelques dizaines de centimètres la Mercedes dérapant toujours rate
les remorques avant de s'enfoncer d'un bruit fracassant, dans la première
voiture garée de l'autre côté du chemin. Celle-ci rebondit, et il s’en échappe
un nuage de vapeur. Le silence…
Un
moment presque irréel, personne ne parle, les chiens n'aboient plus. Alors,
tous ensemble , au même moment, nous avons courus vers les deux voitures. Le
chauffeur était encore derrière le volant , sérieusement confus mais pas blessé.
Personne d'ailleurs, n’ était blessé, les voitures par contre…n’étaient pas
belles à voir. Les remorques étaient toujours là où elles étaient quelques
minutes auparavant : aucun chien n’était touché. Mais il eu fallu d'un tout
petit rien … . Entre-temps le juge , le coordinateur de l'épreuve et le
participant qui étaient tous bien loin dans le champs et qui n'avait entendu
que les fracas, étaient arrivés et eux aussi pouvaient se rendre compte de ce
qui aurait pu arriver si la Mercedes s'était enfoncé non sur la voiture garée ,
mais sur nos remorques.
Il
nous fallut plusieurs minutes pour
réaliser que la voiture qui avait absorber le coup n'appartenait pas à
un de nous. C'était une voiture privée qui s'était garée là un quart d'heure
plutôt et qui appartenait à deux pompiers en uniforme. Ils présentaient, de
maison en maison, leurs calendriers!
Bien qu'ils n'étaient pas en service commander à ce moment, ils nous rendirent
un très grand service. Le regard qu’ils portaient sur cet événement étaient bien différent du nôtre.
Beaucoup
de métal craqué, mais pas de blessés : ni homme, ni chien. Mais le sentiment
que nous étions passé très près d’une catastrophe, resta sur nous toute la
journée et donc aussi pour la suite de
l'épreuve. A de tels moments on sent plus fort que d'habitude, ce qui est
vraiment le noyau de notre sport : le lien avec ce chien , qui se développe durant des mois, des années, que l'on partage ensemble. Sur
les terrains, bien sûr - mais beaucoup plus important : en dehors des terrains
de dressage. On réalise en même temps
quel privilège nous avons à pouvoir vivre avec ce boxer, dont un instinct
profond le destine à travailler avec nous,
si seulement nous savons le comprendre.
En
tout cas , cette histoire n'a pas toucher Seiko : dans l'après midi il a
réalisé un exercice d'obéissance décent et un excellent exercice de défense
.Toujours dans sa manière à lui : plein de conviction et avec plaisir. Depuis
ce jour, il peut s'inscrire dans le régiment des Boxers RCI.
Mais
tous les conducteurs qui ont vécu cette épreuve-là, savent très bien que le
lien qui les unit avec leurs chiens, est bien plus important que l’obtention du
certificat. Test, épreuve, expo… c'est très bien, mais ce n'est toujours que
conséquence , jamais la source ! Je sais bien que cette idée est très
légère et qu'elle nous échappe facilement dans le travail de tout les jours.
Mais quand-même, avec un peu de "bonne" volonté on pourrait qualifié
un tel choc comme ce jour là, comme un petit bonheur qui accompagne le Malheur.
INGMAR SIOEN.
Ps
: en remerciant les Pompiers pour leur coopération involontaire, mais fortement
appréciée.